Après "l'affaire de la pierre tombale de l'église de Rochemaure", voici maintenant "l'affaire de la pierre tombale de Loyasse (Lyon)"...
Photo de la pierre tombale de Loyasse :
https://www.geneanet.org/cimetieres/view/5878448/persons/?individu_filter=CHEYNET+de+BEAUPR%C3%89%2BJean-Marc
Essayons d'y voir plus clair sur cette dernière "affaire" !
1°) Sur la pierre tombale au cimetière de Loyasse figure le nom de Marie-Madeleine LA SAUSSE (1749-1815), épouse de Julien Ferdinand de GERAMB (mort en 1803), baron du Saint-Empire. Qui est-elle ?
La famille La Sausse était une famille
authentiquement noble de Lyon, anoblie par charge de conseiller secrétaire du roi au XVIIIe siècle. La famille de (von) Geramb était quant à elle une famille noble germano-hongroise venue s'installer à Lyon dans le milieu du XVIIIe siècle. Sur Généanet, on trouve de nombreuses informations sur les familles La Sausse et de Geramb :
La Sausse :
https://gw.geneanet.org/wqt_w?lang=fr&pz=laurent&nz=waquet&p=marie+madeleine&n=la+sausse
De Geramb :
https://gw.geneanet.org/wqt_w?lang=fr&pz=laurent&nz=waquet&p=julien+ferdinand&n=de+geramb
Par ailleurs, Marie-Madeleine La Sausse et son époux ont une importante descendance qui subsiste encore aujourd'hui. On remarque notamment que parmi leurs descendants figure l'actuel
chef de la Maison royale d'Albanie, le prince Leka II (voir sa fiche Wikipedia). Pour leur descendance, voir plusieurs arbres sur Généanet ainsi que la base Roglo ici :
http://roglo.eu/roglo?lang=fr;i=3339988
2°) Sur le monument funéraire se trouve également le nom du colonel PUSTIANAZ VON PRIEL (1907-1983). Qui est-il donc ?
Il y a quelques années, un membre de la famille Cheynet de Beaupré (et petit-fils de ce fameux colonel von Priel) a publié sur un forum une courte biographie de ce personnage. Cette biographie était encore lisible "en cache" il y a deux ans mais aujourd'hui elle n'est plus disponible en ligne. Heureusement, j'avais fait il y a deux ans une capture d'écran ! Voici donc l'histoire du colonel Pustianaz von Priel racontée par un de ses petit-fils, membre de la famille Cheynet de Beaupré :
Mon grand-père, Franz Joseph Heinrich Maria PUSTIANAZ von PRIEL, est né à Pula le 3 juillet 1907. Son nom de famille s'écrit aussi PUSTIJANAC en croate. Les PUSTIANAZ étaient, dit-on, d'origine espagnole et s'étaient installés au Xe siècle près de Dubrovnic où leurs ancêtres étaient pirates, faisant échouer les navires en provenance des possession orientales de Venise. Enrichis, ils s'installèrent par la suite à Svetvincenat (Saint-Vincent) en Istrie, où ils possédaient de grands domaines et où leur tombeau subsiste dans le chœur de l'église. Il est orné des armoiries et de la devise de la famille : "Post tenebras spero lucem" qui, peut-être, est une allusion ironique aux feux utilisés par les ancêtres pour égarer les embarcations vénitiennes en leur faisant croire à l'existence d'un phare, donc d'un port...
Les armoiries de la famille sont les suivantes : "D'argent, aux dextrochère armé de sable, tenant en pal une torche crénelée et enflammée de gueules." (En clair : elles représentent un bras droit, en armure noire, qui tient verticalement une torchère crénelée dont la flamme est rouge).
La famille PUSTIANAZ s'était installée à Vienne au XVIe siècle, tout en gardant ses habitudes à Saint-Vincent. Elle paraît avoir été assez germanisée. Le père de mon grand-père, Mikhaël, était ingénieur général au service de l'Autriche-Hongrie. Pula était le port de guerre de l'Autriche et mon arrière-grand-père y habitait avec sa femme et ses six enfants. Durant la guerre de 1914-1918, il prit un commandement à Budapest où sa femme mourut en 1918, de la grippe espagnole. L'un de leurs fils, mon grand-père, qui était colonel de la Wehrmacht, parlait treize langues (sans compter les dialectes, disait-il !) Il avait été détaché en Ethiopie durant la seconde guerre mondiale, auprès du Général Graziani, gouverneur au nom du roi d'Italie. Il faisait office d'interprète car il parlait aussi le Swahili. En 1943, il fut fait prisonnier avec le duc d'Aoste, fils ou neveu du roi Umberto, je ne sais plus ; ils furent transférés ensemble dans un camp, à Naïrobi au Kenya. Le duc d'Aoste y mourut, mon grand-père non : il était très robuste et volontaire. Il disait avoir appris dans ce camp, où les conditions de détention étaient épouvantables, la langue des porcs, car les prisonniers devaient apprendre à leur disputer leur nourriture ! Il fut libéré en 1947 et émigra en Australie, à Melbourne, où il créa une entreprise et où il est mort en 1983. Ma mère est son unique fille, née à Ajaccio le 9 mars 1934.
Je détiens une généalogie de la famille qui remonte au XVIe siècle. Elle provient de mon grand-oncle, chef de la famille, Blazius PUSTIANAZ von PRIEL, qui conservait dans sa propriété de Rimini toutes les archives familiales. Malheureusement, la maison a été détruite par un bombardement durant la seconde guerre mondiale. Quelques papiers ont subsisté. Ma mère conserve un acte de fondation du XVIIe siècle, d'une chapelle à Saint-Vincent, par un ancêtre maternel de la famille, Antonio GRIMANI, fils d'un doge de Venise. Il est superbement enluminé et orné d'un sceau rond dans sa boîte de fer. L'Istrie était alors sous domination vénitienne, avant de devenir autrichienne.
Voici donc quelques éléments d'histoire familiale. J'en conserve beaucoup d'autres. Malheureusement, ils sont parfois imprécis. De surcroît, je ne parle pas autant de langues que mon grand-père et ignore en particulier le Croate. Nous restons très attachés à nos racines, croates, autrichiennes, italiennes. Ma mère et moi sommes allés en pèlerinage à Saint-Vincent en 1984. Le cimetière conserve beaucoup de tombes PUSTIANAZ, ou PUSTIJANAC aujourd'hui. (Sous Mussolini, qui avait annexé l'Istrie, les noms croates étaient italianisés et certaines tombes portent encore le nom de POSTIANI ! ... hérésie étymologique ... et humaine !). En effet, tous les PUSTIANAZ, dans les derniers siècles, paraissent avoir habité dans un périmètre étroit autour de Svetvincenat (Saint-Vincent en Croate.) Signé : xxx. CHEYNET de BEAUPRE, 14 octobre 2002
Par ailleurs sur Généanet, on trouve une courte généalogie de la famille Pustianaz von Priel :
https://gw.geneanet.org/wikifrat?lang=fr&m=A&p=angele&n=pustianaz+von+priel&siblings=on¬es=on&t=T&v=6&image=on&marriage=on&full=on
Dans cet arbre, on y mentionne notre fameux colonel, père de Marie Pustianaz von Priel (1934-2014) épouse de Jean-Marc Cheynet de Beaupré (1932-2019). On mentionne également le grand-père de cette dernière, à savoir Michel Pustianaz von Priel (1858-1929).
Que faut-il penser de tout cela ? On sait aujourd'hui, grâce à l'excellent site cheynet.xyz qui
nous donne toutes les preuves, que le fameux "colonel Pustianaz von Priel" (1907-1983)
fut en réalité un modeste cordonnier dans les années 30 (et non un officier de la Wehrmacht
) et que sa fille, la "baronne" Marie Pustianaz von Priel (1934-2014), fut une fille naturelle, née hors mariage, ses parents biologiques ne s'étant jamais mariés. Si le père de cette dernière est effectivement mort en Australie en 1983, ce fut non pas comme "chef d'entreprise" mais comme "cleaner", c'est-à-dire vraisemblablement un simple balayeur de rue ! (comme indiqué dans son acte de décès). De plus, le grand-père de Marie Pustianaz von Priel, le dénommé Michel Pustianaz von Priel (1858-1929), ne fut pas "ingénieur général au service de l'Autriche-Hongrie" mais simplement paysan, comme cela apparaît aussi dans l'acte de décès de son fils en 1983 ! Source :
https://cheynet.xyz/vonpriel
Bref, il apparaît donc clairement que toute la généalogie ascendante de Marie Pustianaz von Priel (1934-2014), épouse de Jean-Marc Cheynet de Beaupré (1932-2019), et qui a été publiée un peu partout, n'est pas la réalité mais le fruit d'une imagination débordante ! Marie Pustianaz von Priel
n'est pas baronne, pas plus que son cordonnier de père, ni son paysan de grand-père ! Ils n'ont aucune ascendance noble.
3°) Autre question : quel lien de parenté peut-il y avoir entre Marie Pustianaz von Priel (1934-2014), épouse de Jean-Marc Cheynet de Beaupré (1932-2019), et la famille La Sausse / von Geramb ?
Le serveur
Gallica de la BnF nous donne un début d'explication dans la revue
Charly-Vernaison en Lyonnais, 1774-1789 : annales d'un village de France, tome 4, année 1988, dans un article signé Louis Vignon, où il est prétendu que :
La famille Cheynet de Beaupré descend par les Pustianaz von Priel de la baronne Julius Ferdinand von Geramb, née Marie-Madeleine La Sausse.
Source :
https://gallica.bnf.fr/services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&query=%28gallica%20adj%20%22pustianaz%20von%20priel%22%29&lang=fr&suggest=0
Dans cette même revue, on trouve cet autre extrait où l'on reparle de la famille La Sausse et de la famille Cheynet de Beaupré. Lien :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3347411r/f30.image.r=%22abb%C3%A9%20la%20sausse%22
C'est donc bien par les Pustianaz von Priel que certains membres de la famille Cheynet de Beaupré prétendent aujourd'hui descendre de Marie-Madeleine La Sausse (1749-1815), enterrée dans ce fameux caveau de Loyasse. Or nous savons que la généalogie de Marie Pustianaz von Priel (1934-2014) a été truquée par un (des) faussaire(s) et que, par conséquent,
il ne fait guère de doute qu'il n'existe en réalité aucun lien de parenté entre Marie Pustianaz von Priel (1934-2014) et Marie-Madeleine La Sausse (1749-1815).
4°) Dès lors vient l'ultime question : comment expliquer la présence de Marie Pustianaz von Priel (1934-2014), épouse de Jean-Marc Cheynet de Beaupré (1932-2019), dans le caveau de Marie-Madeleine La Sausse (1749-1815), épouse du baron von Geramb, alors qu'elle n'en est pas l'héritière ?
La réponse se trouve peut-être dans les articles de presse ci-dessous...
https://www.lepoint.fr/societe/a-lyon-on-achete-sa-tombe-aux-encheres-17-06-2018-2227965_23.php
https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/data/52877/reader/reader.html#!preferred/1/package/52877/pub/76924/page/9
https://www.lyonplus.com/actualite/2018/06/14/jusqu-a-14-000-le-caveau
https://www.leprogres.fr/lyon/2015/06/21/vente-aux-encheres-1-euro-la-derniere-demeure
https://immobilier.lefigaro.fr/article/ces-monuments-funeraires-qui-se-vendent-aux-encheres_80b25092-9334-11e9-bbe0-3557fdf7f672/
Bien à vous !